Pourquoi j'ai refusé de lire la lettre de Guy Môquet.

En ce lundi 22 octobre, le Président de la République avait demandé aux enseignants d’Histoire – Géographie, de lire à leurs élèves la lettre que Guy Môquet a adressé à sa mère juste avant d’être fusillé par les Allemands à Chateaubriand le 22 octobre 1941.

Soucieux de ma liberté pédagogique et de la cohérence de la méthode historique qui seule peut permettre une compréhension de la complexité des enjeux de l’histoire, j’ai décidé de ne pas participer pas à cette manipulation politicienne.

Je considère que citer un fait, un texte, un nom, sans les inscrire dans leur contexte historique est la négation même de toute pratique historique conséquente. La personnalisation de l’histoire – quelle que soit la qualité des personnes utilisées – est un obstacle à la compréhension des enjeux d’une époque.  Si l’histoire est parfois émouvante, l’émotion (qu’on peut légitimement ressentir à la lecture de la lettre du jeune Guy Môquet) ne peut suffire à entraîner une quelconque démarche historique, une quelconque réflexion constructive (en classe, comme dans les médias). Cette commémoration ne s’inscrivant donc dans aucune progression pédagogique digne de ce nom, j’ai préféré m’abstenir.

Toutefois, je pense que j’utiliserai cette lettre avec mes élèves lorsque nous traiterons en fin d’année « les mémoires de la guerre en France » et comment les pouvoirs politiques sont tentés d’instrumentaliser l’Histoire.

En effet, Guy Môquet est présenté par le Président de la République comme exemple pour la jeunesse. Que le jeune homme soit un militant communiste, fils de député communiste, devient purement anecdotique. Il n’y a plus de divergences politiques, il n’y a plus que les « bons » Français, prêts à donner leur vie pour la France, et les autres ! Cette vision un peu simpliste de l’Histoire n’est pas correcte … C’est aussi le rôle des enseignants de développer le sens critique de leurs élèves.