13 Janvier 2011
Profitant d’un passage en Sarthe de Claudy LEBRETON, Président de l’Association des Départements de France et Président du Conseil général des Côtes d’Armor, j'avais, en ma qualité de Président du groupe des élus de gauche du Conseil général, organisé un débat sur l’avenir des Conseils généraux. Je vous en propose aujourd’hui un petit compte-rendu :
Avec Claudy Lebreton, lors du débat à Domfront-en-Champagne
Des conseils généraux renforcés …
Avec l’acte II de la décentralisation et les transferts de compétences, la solidarité est plus que jamais le cœur de métier des Conseils généraux, et représente désormais les deux-tiers du budget sarthois autour de trois missions phares : l’Allocation Personnalisée pour l’Autonomie, le Revenu de Solidarité Active et les politiques d’insertion et l’application de la loi sur le Handicap.
En une dizaine d’années, les missions traditionnelles du Conseil général ont été renforcées par la délégation de 17 compétences nouvelles dont la gestion du Fonds d’aide aux jeunes, du Fonds de Solidarité Logement, des personnels TOS des collèges, du Plan Départemental d’Élimination des Déchets, des routes nationales et des voies d’eau ...
Ces nouvelles missions ont totalement modifié le profil du budget départemental qui, sur la période 1998 – 2011, a augmenté de 84% pour s’établir à 576 millions d’€uros. Les dépenses de fonctionnement ayant plus que doublé, représentent désormais 75% du budget départemental alors que l’investissement ne représente plus que 25% des dépenses contre 40% en 1998. Sur la même période, les effectifs du Conseil général ont doublé passant de 966 agents en 1998 à 2472 en 2010.
A l’heure, où certains prônent la suppression des Départements, il est bon de constater combien les Conseils généraux ont été profondément légitimés dans leurs missions.
… mais affaibli localement.
Pour autant, nous avons de plus en plus l’impression qu’il ne s’agissait que d’un marché de dupes dans la mesure où la Décentralisation n’a pas été suivie d’un transfert des moyens financiers nécessaires à l’exercice de ces missions nouvelles.
Une facture de 156 millions d’€uros depuis 2002
La facture de la l’Acte II de la Décentralisation et des transferts de compétences atteint des sommets impressionnants estimés à près de 156 millions d’€uros (M€) sur la période 2002 – 2010. Pour l’année 2010, la facture de l’Acte II de la décentralisation s’élève à 22,1 M€ auxquels il convient d’ajouter les surcharges financières liées à la politique du Handicap (9,5 M€) et à l’Allocation Personnalisée à l’Autonomie (5,8 M) soit une charge supplémentaire de 37,4 M€ pour le Conseil général de la Sarthe sur l’ensemble de l’année écoulée.
Une situation financière de plus en plus dégradée
Cette charge financière nouvelle a conduit à une dégradation continue de la situation financière du Conseil général de la Sarthe. La capacité d’épargne du Conseil général n’a cessé de diminuer se situant désormais à 8.5% des recettes de fonctionnement contre 18.5% en 1998 ce qui traduit une baisse très significative de notre capacité à assumer nos propres investissements.
Or, quand une collectivité locale ne dégage pas une épargne suffisante pour le financement de ses investissements, elle est contrainte à faire appel à l’emprunt. Ainsi en 2011, 41% des dépenses d’investissement seront financées par l’emprunt. Au final, la Sarthe est classée dans le premier tiers des départements les plus endettés avec une dette par habitant s’élevant à 494 € en 2009 (moyenne des départements : 371 € / hab.) et reste donc l’un des départements les plus endettés de France.
Une perte d’autonomie très inquiétante
Cette dégradation financière du Conseil général de la Sarthe s’est par ailleurs accompagnée d’une inquiétante perte d’autonomie fiscale. Alors que la fiscalité directe représentait 52% des recettes du Département en 1998, ce ne sera plus que 13% en 2011 du fait de la réforme fiscale actuellement mise en œuvre. Dans le même temps, la part des compensations et dotations de l’Etat est passée de 15% à 54% des recettes de fonctionnement. La suppression de la Taxe professionnelle et de la part départementale de la Taxe d’habitation limite donc considérablement les marges de manœuvre des élus contredisant totalement l’article 72.2 de la constitution qui prévoit que « les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources ».
Quel avenir pour les Conseils généraux ?
Au fil des mois et des réformes entreprises par les gouvernements UMP successifs, nous ne pouvons que nous interroger sur l’avenir même des Départements français qui sont pris dans un étau visant progressivement à les amoindrir.
Devant faire face à des dépenses – notamment sociales – de plus en plus importantes, les Départements voient leur marge de manœuvres financières se réduire considérablement du fait de l’effet conjugué de la réforme fiscale et du gel des dotations de l’État. Chaque collectivité est alors contrainte de se recentrer sur ses compétences essentielles au détriment de compétences optionnelles et pourtant primordiales comme le soutien aux communes ou au mouvement associatif.
Dans le même temps, la réforme des collectivités territoriales votée en 2010 conduira à l’affaiblissement simultané des Régions et des Départements avec la création d’un élu cumulant à la fois les mandats de Conseiller général et régional conduisant à la fois à la confusion des fonctions et à l’éloignement des élus de leurs concitoyens. Cette réforme porte en germe la disparition des Départements et des Régions dans le cadre d’un vaste mouvement de recentralisation autoritaire des pouvoirs au détriment de la démocratie.
Les propositions de la Gauche
Les échanges ont également permis d’esquisser quelques pistes de travail :