Le Blog-notes de Christophe COUNIL

Retour sur la session du Conseil départemental du 17 juin

Le 21 juin dernier, le Conseil départemental était réunion en session plénière à l'Abbaye de l'Epau pour examiner le bilan financier de l'année 2023 et ajuster le budget voté au mois de mars. A cette occasion, j'ai pris la parole au nom du Groupe des élus de Gauche, progressistes et écologistes pour faire part de notre sentiment dans un contexte politique plus que particulier.

Retour sur la session du Conseil départemental du 17 juin

Cette session se tient dans un contexte particulier lié aux résultats des élections européennes puisque dans notre département l’extrême droite (RN + Reconquête) obtient 40,8% des suffrages exprimés voir même 44,6% si on ne compte pas le résultat de la Ville du Mans dans lequel le vote pour l’extrême droite est traditionnellement plus faible (mais 26,9% quand même). Ce résultat n’est pas une surprise puisqu’au second tour de l’élection présidentielle de 2022, Marine LE PEN avait obtenu 44,6% des voix dans la Sarthe. De même, lors des élections départementales de 2021, le RN s’était qualifié dans un quart des cantons du Département.

Élections après élections, l’extrême-droite ne cesse de se renforcer en Sarthe en particulier dans les territoires ruraux. Ces résultats ne sont pas anodins car nous savons tous combien ce courant de pensée, malgré un langage plus polissé, représente un danger. En effet, l’extrême droite met, elle, au centre de son projet l’inégalité de droits entre les personnes. La société qu’elle veut construire, c’est une société basée sur la division, l’exclusion et la discrimination de pans entiers de la population. Nos voisins européens nous le montrent très concrètement. L’extrême droite au pouvoir, ce sont les droits des femmes qui reculent, les subventions aux associations qui disparaissent, les discriminations qui bondissent, une liberté de la presse menacée, le dialogue social et les syndicats qui sont démantelés.

Le résultat des élections européennes a conduit le Président de la République dans une décision à la fois incomprise et insensée à dissoudre l’AN et provoquer des élections législatives. La Sarthe apparait pour le RN comme une terre de conquête. Progressivement l’idée que le RN devienne la force politique dominante en Sarthe s’installe dans les esprits avec une certaine forme de fatalisme. Faut-il s’y résigner ? Non, car le combat contre l’extrême-droite doit être un combat de tous les instants.

Or, en tant qu’acteur et observateur de la vie politique locale, nous avons l’impression que la lutte contre l’extrême droite n’est clairement pas une préoccupation de la majorité départementale. On peut, à ce sujet, souligner l’absence quasi-totale d’engagement des élus départementaux dans la campagne des élections européennes. Un regard attentif des réseaux sociaux ou de la presse montre, en effet, que si les élus de gauche se sont clairement prononcés, dans le respect de leur diversité, en faveur de plusieurs candidats ; les élus de la majorité départementale sont restés bien silencieux. Seuls 4 conseillers départementaux de la majorité ont clairement appelé à voter pour la liste des Républicains. Cela interroge, notamment, quand le Président du Conseil départemental lui-même est resté totalement silencieux sur le sujet.

Le combat politique est au contraire quelque chose de noble … il impose de l’engagement pas de la frilosité, pas de la retenue.  Nous avons malheureusement l’impression qu’il en sera de même lors de ces élections législatives.

Plusieurs études sociologiques et politiques ont montré que ce vote reposait non pas sur la question de l’immigration ou de la sécurité mais sur des questions plus socio-économiques. On sait, aujourd’hui, que le RN est devenu le Parti des oubliés pour reprendre l’expression de l’historien et sociologue Pierre Rosanvallon. C’est-à-dire cette catégorie de la population qui se sent menacée par les évolutions d’un monde de plus en plus métropolisé et mondialisé qui remet en cause une certaine forme d’identité. Une société dans laquelle ils n’ont parfois plus le sentiment d’être à leur place du fait de la peur du déclassement social, des difficultés d’accès aux services … autant de questions qui doivent collectivement nous interroger, tout en sachant que nous n’avons pas, à nous seuls, les réponses à ces questions.

Toutefois, nos concitoyens attendent de nous des réponses à leurs questions. Le Conseil départemental de la Sarthe est-il au rendez-vous ? Bien que dans quelques minutes, les prises de parole vont se succéder pour nous expliquer que cela est bien le cas ; vous ne nous empêcherez pas de penser le contraire.

Dans vos interventions, vous reviendrez probablement sur le projet stratégique pour la Sarthe que vous avez présenté. J’ai pris le temps de le relire … il est intéressant mais n’est au final que la juxtaposition des politiques sectorielles liées à nos compétences. Il ne répond pas à une question essentielle : Quelle Sarthe, voulons-nous construire ? Quelle sont nos priorités ?

Vous évoquez l’enjeu de l’attractivité, mais vous refusez de vous engager fortement en faveur du rayonnement de notre université qui est un élément clé de l’attractivité de la Sarthe et de nos politiques envers les jeunes Sarthois.

Vous évoquez l’enjeu de l’environnement, mais vous refusez de vous engager dans la création d’un syndicat d’énergie départementale que de nombreux acteurs considèrent comme indispensable.

Vous évoquez l’enjeu des solidarités, mais vous refusez de soutenir les Centres sociaux qui sont au premier rang des politiques de solidarité au quotidien et en proximité.

Vous évoquez l’enjeu des territoires, mais vous refusez de considérer les Sarthois de la même manière selon qu’ils habitent en milieu urbain ou en milieu rural. Vous refusez de vous engager pleinement dans une politique d’aides à la construction de logement alors même que de nombreux concitoyens ont de plus en plus de difficultés à en trouver un.

Au-delà de cette question de la stratégie générale, la question centrale est bien d’identifier les besoins de nos habitants et essayer d’y répondre … le problème est que vous êtes enfermés dans votre certitude d’avoir raison, que vos politiques sont les meilleurs possibles et que la minorité a systématiquement tort ! Malheureusement, le résultat des élections en Sarthe, semble montrer le contraire même si la responsabilité est collective face à cette progression de l’extrême droite.

D’ailleurs, loin de nous, l’idée de penser que l’ensemble des actions menées sont à rejeter. Au contraire dans de nombreux secteurs, l’action du Conseil départemental est intéressante et porte ses fruits mais sur l’essentiel nous considérons que vous n’êtes pas au rendez-vous : Attractivité, Solidarité et Environnement devrait être les piliers de notre stratégie et sur ces sujets, vous n’êtes pas au rendez-vous.

Le bilan financier de l’année 2023 viennent nous confortez dans cette idée. En effet, il montre que la santé financière du Conseil départemental est convenable avec une stabilité des recettes de fonctionnement mais hausse des dépenses de fonctionnement (+5,3%). L’épargne brute s’élève à 74,1 M€ soit une baisse de 25% mais elle reste supérieure à la période 2012 à 2020. Ces résultats vous permettent une nouvelle fois de vous poser en gestionnaire en « bon père de famille ». Le problème est que votre gestion est de plus en plus sujette à questionnement car elle frise à une prudence inquiétante : le très faible niveau d’endettement du CD72 interroge forcément … puisque nous atteignons le niveau le plus faible jamais atteint. On pourrait se demander si votre objectif n’est pas d’être le Département le moins endetté de France après avoir été parmi les plus endettés ? Or, emprunter c’est préparer l’avenir et c’est aussi se comporter en bon père de famille.

Cela se ressent également en matière d’investissement qui s’élève selon le CA 2023 à 103,8 M€ avec le remboursement de la dette soit 65,2 M€ de dépenses réelles + 19,5 M€ de subventions d’équipements. Nous sommes au final sur un niveau qui n’a rien d’exceptionnel. Il est clair que le Conseil départemental n’est pas le 1er investisseur du Département et nous pensons même qu’il ne l’a jamais été. A titre de comparaison, le niveau d’investissement de la Métropole en 2023 s’élève à 125 M€ (hors gestion de la dette qui reste particulièrement limité).

A ce sujet, mais nous y reviendrons, il faut noter que la Chambre régionale des comptes vous demande dans sa 5e recommandation de soumettre à l’Assemblée délibérante un plan pluriannuel d’investissement reprenant les principaux projets. Votre réponse est sur ce point particulièrement surprenante puisque vous bottez en touche en expliquant qu’il n’y a aucune obligation en la matière et vous n’entendez pas y souscrire. Cela pose question sur l’existence d’un réel suivi pluriannuel de nos investissements.  Cette absence de transparence est réellement étrange. 

Enfin, pour rester sur les conclusions de la Chambre régionale des comptes, force est de constater qu’elle ne vous donne pas un satisfecit en matière de gestion puisqu’elle insiste sur le fait que seulement 4 politiques publiques disposent d’un tableau de bord de suivi et insiste sur la nécessité d’améliorer le pilotage de nos politiques en fixant des objectifs et indicateur.

Au final, notre impression est que vous avez renoncé à porter une ambition politique pour la Sarthe en vous satisfaisant d’être uniquement des gestionnaires. Aujourd’hui, les Sarthoises et les Sarthois attendent des réponses à leurs questions ; des réponses qui nécessitent de l’audace et du panache … Or de l’audace et panache, le Budget primitif que nous nous proposez de modifier à la marge aujourd’hui en manque cruellement.

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