Le Blog-notes de Christophe COUNIL

Conseil départemental : retour sur la session du mois de juin 2023.

La session de juin 2023 du Conseil départemental de la Sarthe fut consacrée à l'examen du bilan financier de l'année 2022 et au budget supplémentaire de l'année 2023. Retrouvez le contenu de mon intervention au nom du groupe des élus de gauche et républicains.

Monsieur le Président, mes chers collègues,

Dans la vie d’une collectivité, le compte administratif est toujours un moment important parce qu’il permet de constater la réalisation du budget, ce qu’il faut faire, selon moi, à l’aune des discours que nous avons tenus au moment du vote de ce même budget.

 Les résultats du compte administratif qui nous sont présentés sont bons, voire très bons. L’année 2022 s’est déroulée dans un contexte de reprise de vie normale après deux années particulièrement compliquées de crise sanitaire. Nous aurions pu nous attendre à une année beaucoup plus sereine, elle ne le fut pas puisque l’agression de la Russie en Ukraine a eu des conséquences considérables sur nos territoires en suscitant une crise énergétique d’une ampleur inattendue comparée aux expériences précédentes.

L’inflation qui s’en est suivi a fortement impacté les ménages et les collectivités.

D’autres décisions peuvent également toucher nos collectivités. Je pense à la revalorisation du point d’indice des fonctionnaires. En tant que fonctionnaire, je suis toujours satisfait lorsque le point d’indice augmente. En tant qu’élus, nous tiquons, mais face à la crise du recrutement que nous vivons tous, nous pouvons penser que nous payons la politique du gel d’indice des dix dernières années. La fonction publique et nos collectivités ne sont plus attractives. Ne parvenant plus à recruter, nous sommes nous-mêmes en difficulté et ne sommes pas en mesure de mettre en œuvre les politiques que nous décidons.

Si la revalorisation est souvent critiquée par les élus, je la considère, quant à moi, nécessaire. Je pense même qu’il aurait fallu qu’elle soit régulière pour maintenir l’attractivité de nos métiers.

 Au-delà de ces éléments de contexte, j’en arrive aux résultats. L’épargne brute dépasse les 100 millions d’euros grâce à des recettes exceptionnelles, qui permettent de dégager un excédent considérable de la section de fonctionnement, à hauteur de 82 millions d’euros. Parallèlement, vous avez poursuivi le désendettement. Voilà des éléments positifs, qui méritent d’être soulignées.

Nous pouvons toutefois nous interroger sur différents points. Premièrement, depuis 2005, on ne s’intéresse plus guère aux charges liées à la décentralisation, car le sujet, d’une certaine manière, est devenu traditionnel. Or, les 2,5 milliards constituent un manque réel qui pèse sur nos finances depuis de très nombreuses années. Je suis toujours surpris que l’on ne s’en étonne pas dans cette assemblée. En tant que porte-parole de l’opposition, je tenais déjà ce discours il y a quelques années. Avec les membres de notre groupe, nous disions que la décentralisation n’était pas financée et qu’elle s’opérait au détriment des collectivités. Année après année, nous en avons la preuve. Nous n’allons pas ressasser le passé ; malgré tout, ce facteur pèse lourdement sur nos dépenses.

Le second élément porte sur la poursuite du désendettement. Finalement, n’aurait-il pas fallu donner un coup d’accélérateur à l’investissement l’année dernière ? Bien évidemment, cela ne se décide pas d’un coup de cuiller à pot, cela s’anticipe et se prépare. Peut-être cela n’a-t-il pas été le cas. Je le souligne, car l’an dernier, nous aurions pu bénéficier de taux d’intérêt relativement faibles.

Hier soir, nous avons étudié le compte administratif de la Ville du Mans. Au cours des premiers mois de l’année, nous avons emprunté à un taux de 0,11 % et au mois de décembre à 2,10 %. La progression continuera sur sa lancée. Le Département aura probablement besoin de recourir à l’emprunt cette année encore alors que les taux d’intérêt seront beaucoup moins intéressants que si notre collectivité avait emprunté l’année dernière. 

Cela dit, il convient d’emprunter en fonction des projets à mener. Peut-être avons-nous pris à cette époque un peu de retard. Je l’entends dans le discours comme je le lis dans les documents. J’en veux pour preuve le diaporama qui a été présenté au cours de la Commission des finances et dans votre discours ce matin, Monsieur le Président, à l’occasion duquel vous avez fortement insisté sur le caractère exceptionnel de la situation. Certes, il l’est, mais, au-delà, vous auriez pu vous féliciter que les fondamentaux de notre collectivité soient bons. Il est inhabituel que ce soit un représentant de l’opposition qui le souligne !

Les droits de mutation sont en baisse, mais le phénomène était prévisible : après avoir connu une telle frénésie immobilière en 2021 et 2022, il ne pouvait en être autrement, d’autant que s’ajoute la crise de la construction que nous connaissons à l’heure actuelle.

Si je me réfère au diaporama qui a été présenté en commission des finances, vous fondez vos prévisions à partir des données du mois d’avril : le produit des droits de mutation pour cette année se monte à 65,2 millions d’euros. Il est très inférieur à celui de l’année 2021-2022 mais il est largement supérieur à ceux que nous avons connus sur la période 2011-2019. Malgré tout, les recettes ne retomberont pas aussi bas qu’en 2013, où elles se situaient à 35 millions.

Telles sont vos prévisions ; celles présentées en commission des finances sont, j’imagine, celles sur lesquelles vous vous appuyez pour construire votre budget. Nous relevons votre volonté de tenir un discours alarmiste, quitte à mettre sous le tapis la bonne santé financière de la collectivité. Je m’interroge sur l’objectif de ce discours. Est-il destiné à justifier un refus de s’engager davantage dans certaines politiques et à un refus de tout endettement du Département ? J’avoue ne pas deviner la ligne directrice de la majorité sur le plan des finances publiques.

Malgré tout, ces résultats montrent qu’il existe des marges de financement aptes à soutenir des actions locales. C’est d’ailleurs le cas dans divers domaines. Par exemple, ce matin, vous avez évoqué les crédits supplémentaires accordés au bâtiment dédié à l’acoustique sur le campus universitaire et à l’internat du centre hospitalier, tous projets qui vont dans le bon sens. Cela dit, nous restons persuadés que l’on aurait pu faire plus et mieux dans d’autres domaines. Je comprendrais à la rigueur que vous soyez prudents quant aux dépenses de fonctionnement, dans la mesure où nous ne savons pas de quoi demain sera fait – l’année 2022 vous a donné en partie raison – et que les dépenses de fonctionnement sont récurrentes. Si une dépense intervient en 2023, elle sera logiquement renouvelée en 2024 et en 2025.

 En revanche, s’agissant de l’investissement, nous aurions pu faire davantage. Par exemple, nous vous avions suggéré d’étudier la question du logement dans le Département. À l’heure actuelle, tous les acteurs du logement, à commencer par Sarthe Habitat, tirent la sonnette d’alarme car ils n’ont plus les moyens de mener à bien leurs opérations, pour diverses raisons. Je citerai : l’inflation des matières premières. Le budget initial de certains chantiers a fait un bond de 35 %, la raréfaction du foncier dans plusieurs secteurs et la hausse du coût de l’énergie.

L’ensemble de ces éléments font que tous les acteurs du logement tirent la sonnette d’alarme. Aujourd’hui, ce sont les promoteurs et les bailleurs ; demain, ce seront les entreprises du bâtiment qui s’inquiètent de voir s’achever des chantiers et aucune perspective pour leur carnet de commandes.

Nous aurions trouvé judicieux que le Département fasse davantage pour ce secteur. Vous nous avez répondu que tout ce que vous faisiez était déjà formidable ; je n’en doute pas. Mais un engagement supplémentaire aurait été probablement de bon aloi. Dans votre réponse, vous citiez à de nombreuses reprises Le Mans Métropole. Dans ma lettre, je ne vous parlais pas de Le Mans Métropole, mais du Département de la Sarthe et du territoire sur lequel vous avez délégation des aides à la pierre, autrement dit sur l’ensemble du département, Le Mans Métropole excepté.

Lorsque nous plaidons pour intervenir plus largement en faveur du logement, nous ne plaidons pas pour le territoire central de notre Département, mais pour l’ensemble des territoires. Je suppose que les messages que font passer aujourd’hui les promoteurs et les bailleurs sont valables au Mans comme dans le reste du Département.

J’en viens maintenant à la situation de l’EPSM, qui fera l’objet d’un vœu, lequel sera débattu lors de la séance. Nous le voterons sans mal mais que faisons-nous concrètement ? C’est un débat que j’avais lancé lors de l’élaboration du deuxième Plan santé. Peut-être serait-il nécessaire d’aider davantage notre hôpital, dont un élu départemental préside le Conseil de surveillance.

La situation est alarmante : à la fois celle vécue par les professionnels de santé et celle vécue par les patients sarthois. Le taux de suicides dans la Sarthe est supérieur de 57 % à la moyenne nationale et celui de personnes nécessitant une prise en charge pour troubles mentaux de 32 %. Or, on nous annonce la fermeture de lits alors que les besoins sont considérables.

Le Département ne pourrait-il pas intervenir plus amplement ? Nous pourrions probablement mobiliser des financements, peut-être en lien avec la Métropole. Stéphane Le Foll a eu un échange avec la directrice de l’hôpital psychiatrique de l’EPSM pour lui dire que la Métropole était prête à accompagner divers projets. Le Département est-il prêt à le faire également ? Il y a là une urgence qui dépasse très clairement la question d’un vœu. Un vœu ne coûte rien à personne, fait plaisir à tout le monde. Il conviendrait d’agir, là également.

 Je dirai un mot sur le budget supplémentaire pour expliquer comment nous abordons cette session. Nous allons être cohérents avec nos votes passés. Nous n’avons pas voté le budget 2022 ; en toute logique, nous ne voterons pas le compte administratif. S’agissant des délibérations qui sont proposées, le budget supplémentaire est relativement modeste, les ajustements interviennent à la marge. Vous me répondrez, et vous aurez probablement raison, que votre budget était si bien élaboré dès le mois de février que vous n’aviez pas besoin de beaucoup le modifier. C’est la raison pour laquelle, dans la majorité des cas, nous allons maintenir les votes que nous avons sur les délibérations telles qu’ils sont intervenus lors du budget primitif. Cela ne signifie pas que nous soyons opposés au contenu des délibérations. La plupart des ajustements de crédits ne nous posent pas de problèmes, mais l’équilibre général des délibérations du budget primitif n’est pas modifié comme nous l’aurions souhaité. Certains votes évolueront : quand les choses vont bien, il faut le dire.

Lors des dernières sessions, nos échanges furent particulièrement vifs au moment d’aborder les rapports de la Commission Éducation. Je me souviens d’une session assez tendue à Laigné-en-Belin, si tendue, en fait, que vous vous étiez plaint auprès du maire du Mans que votre opposition vous avait maltraité. Je ne sais d’ailleurs pas en quoi le maire du Mans est concerné ! Je pense qu’en alertant sur divers sujets, nous étions dans notre rôle. Je note aujourd’hui une véritable volonté au sein de la Commission Éducation de travailler sur ces sujets. Nous saluons les annonces présentées par Anthony Trifaut et que vous avez confirmées concernant la tarification de la restauration scolaire de Costa Gavras et celle de différents collèges. Si vous avez évolué sur cette question, c’est que nous avons eu probablement raison de vous alerter. Vous nous avez demandé de travailler ensemble, c’est le signe que des choses peuvent progresser positivement !

J’ai assisté à la dernière réunion de la commission ad hoc sur le Plan Collège de demain. Le débat a été intéressant, les présentations sincères. Je pense également au groupe de travail qui se réunit sur la carte scolaire au Mans. Nous en reparlerons. Cela pour dire qu’il est possible de travailler ensemble de façon positive dès lors que la volonté existe. Au nom de mon groupe, je salue la façon dont Anthony Trifaut œuvre avec nous sur ces questions. Cela va dans le bon sens et quand il en est ainsi, il faut le dire !

En revanche, une chose ne va pas dans le bon sens ce matin ! Monsieur le Président, dans votre discours, vous avez indiqué que la pauvreté n’a pas explosé. Je ne réfuterai pas le chiffre que vous avez livré, mais il ne traduit pas ce que nous observons sur le terrain. Si les chiffres de la pauvreté n’ont pas explosé, en revanche, les personnes qui étaient déjà en situation difficile le sont encore plus qu’avant. C’est pourquoi je trouve vos propos très violents pour nos concitoyens qui traversent des situations extrêmement pénibles. Il ne faut pas nier la réalité.

Par ailleurs, vous adoptez une attitude que nous ne vous connaissions pas, très politicienne, au mauvais sens du terme, de toujours vouloir opposer Le Mans au reste du territoire. Vous avez insisté ce matin : la pauvreté, les problèmes, les difficultés sont le fait de la ville du Mans. 

Nous ne le nions pas parce que, présents sur le terrain, nous les affrontons au quotidien. Probablement, est-ce le lot de toutes les villes centres, mais je ne comprends pas votre attitude. J’ai connu une époque où Ville et Département avaient beau être de deux bords politiques opposés, une vraie volonté de travailler ensemble prévalait. J’ai l’impression que cette volonté a disparu pour être remplacée par une volonté d’opposer. Je n’en comprends pas le sens. Existe-t-il de votre part une frustration ? Regrettez-vous vos belles années passées à nos côtés au Conseil municipal et au Conseil communautaire, à l’époque où vous étiez élu de ces collectivités ou voulez-vous faire payer aux habitants du territoire, de la Ville et de la Métropole ne pas avoir élu des personnes qui siègent dans la majorité départementale ? C’est une question qui, session après session, m’attriste et m’interroge.

Tels sont les commentaires que je souhaitais livrer en introduction de cette session, en souhaitant à toutes et à tous d’excellents travaux !

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