11 Août 2023
Réuni en session plénière les 9 et 10 février 2023, le Conseil départemental a adopté le budget 2023. Je vous invite à prendre connaissance de mon intervention prononcé en qualité de Président du groupe des élus de gauche, principale formation d'opposition au sein de l'Assemblée départementale.
Monsieur le Président, dans votre intervention vous avez évoqué un contexte anxiogène. Nous sommes, en effet, confrontés à de vraies difficultés que vous-même et M. le Président de la Commission des finances avez énumérées : le coût de l’énergie, l’inflation du prix des matériaux, des matières premières ou encore la perte d’autonomie fiscale qu’il convient de dénoncer. Ces facteurs pèsent lourdement sur notre budget, mais pas uniquement : ils ont un impact non négligeable pour une partie des Sarthoises et des Sarthois dont la situation se fragilise davantage encore lorsqu’il faut faire le choix entre payer la facture d’énergie ou la cantine des enfants.
Mon propos rejoint les échanges que nous avons eus lors du débat d’orientations budgétaires à Laigné-en-Belin sur la pauvreté. Cette fragilisation est un élément auquel nous devons être attentifs. Nous avons eu l’occasion de rencontrer les associations pour la solidarité. Un des responsables de la Banque alimentaire nous a dit combien celle-ci se trouvait démunie face à l’afflux de demandes liées aux difficultés qui frappent une partie de notre population et auxquelles cette dernière n’arrive pas à faire face.
Il convient toutefois de veiller à pas tomber dans la sinistrose la plus totale parce que toute situation recèle des aspects positifs. D’abord, le Département comme le Pays connaissent une croissance légèrement plus soutenue après des années difficiles ; celle-ci se traduit par un marché de l’emploi bien plus tendu, non du côté des demandeurs d’emploi, mais du côté des recruteurs. Que ce soient les administrations publiques ou les entreprises, tous les responsables disent rencontrer des difficultés à recruter bien que le taux de chômage reste relativement élevé dans le Département. Il y a là un levier d’action qui me paraît essentiel.
Parmi les aspects positifs, relevons que notre collectivité est en bonne santé financière. La progression de l’épargne brute qui a été soulignée par le Président de la commission des finances montre véritablement que nous disposons de marges de manœuvre dont toutes les collectivités ne bénéficient pas.
La baisse continue de la dette depuis 2019 ouvre également de véritables perspectives. Prenons garde à ne pas tomber dans la sinistrose et veillons à ne pas instrumentaliser toutes ces difficultés pour refuser d’engager des politiques publiques. Il est difficile de ne pas se répéter, mais la majorité a tendance à le faire : au cours des DOB, il est fait part de la situation très difficile, de la sinistrose qui règne et des difficultés qui s’accumulent. Cela se traduit par des budgets relativement timorés qui, à notre sens, manquent de volontarisme. Puis, arrivent le mois de juin et les comptes administratifs : tout le monde se félicite alors des très bons résultats financiers ! Ne serait-il pas préférable qu’ils soient un peu moins bons et de relever des défis et des enjeux ? C’est une vraie question. S’il convient d’être prudent lorsque l’on gère une collectivité, il ne faut pas que la prudence la paralyse. Or, à la lecture des rapports, j’ai l’impression que l’on est tétanisé, paralysés par la peur de demain ; c’est ainsi que l’on refuse de s’engager plus avant à un moment où cela serait sans doute nécessaire. Rester au milieu du gué est un vrai défaut de ce budget.
En l’étudiant, plusieurs idées nous viennent à l’esprit.
D’abord, au nom de notre groupe, je salue le travail réalisé par les services du Conseil départemental de la Sarthe. Nos agents sont pleinement mobilisés au service des Sarthoises et des Sarthois ; ils ont le sens du service public, le sens de l’intérêt commun. C’est essentiel. Pour des élus, voter un budget n’est pas forcément le plus compliqué, le plus compliqué reste pour les agents de le mettre en œuvre et de concrétiser les décisions prises par les élus. C’est la raison pour laquelle je tenais à saluer le travail de l’ensemble de nos agents.
Ensuite, ce budget comporte des aspects positifs. Nous ne nous plaçons pas dans une posture manichéenne selon laquelle nous trouverions tout négatif parce que nous sommes dans l’opposition. Non, certains rapports s’inscrivent dans le bon sens. C’est ainsi que nous en voterons dix-sept. Cela ne signifie pas pour autant que tout soit parfait ni que nous ferions exactement la même chose si nous étions aux responsabilités. Il n’en reste pas moins qu’ils comportent des points positifs, même s’ils interviennent parfois avec quelque retard.
Par exemple, si nous saluons l’effort financier consenti en faveur de l’enfance, je ne peux m’empêcher de revenir sur les propos de Mme la Procureure de la République auxquels vous avez fait référence, en les tronquant quelque peu. En effet, lors de l’audience solennelle au tribunal, j’avais cru comprendre que Mme la Procureure s’était tournée vers le Département considérant qu’il ne jouait pas pleinement son rôle de protection de l’enfance en danger. Cela transparaît dans le rapport, dans vos propos et dans l’engagement financier complémentaire : le Département est en retard sur cette question et n’est pas en mesure de prendre en charge l’ensemble des enfants. En raison ce retard que vous tentez de rattraper, des enfants sont encore en situation de danger.
Le Plan Collège de demain va de l’avant. Nous allons installer des panneaux photovoltaïques sur les toits des établissements et végétaliser les cours d’école. C’est très bien mais au cours des années qui viennent de s’écouler, nous avons inauguré quatre nouveaux collèges sur lesquels aucun panneau photovoltaïque n’a été posé et dont les cours sont entièrement bitumées. Nous découvrons que des actions seront entreprises mais nous avons le sentiment de courir pour essayer de rattraper le retard pris. Cela dit, les choses sont ce qu’elles sont et il est positif de prendre conscience des problèmes ; c’est ainsi que l’on progresse.
Peut-être convient-il aussi de se méfier des effets d’annonce. Des actions sont annoncées dans le budget qui ne se concrétisent pas toujours. Il me semble me souvenir que nous avions décidé collectivement de créer un budget participatif. Je ne crois pas qu’il se soit concrétisé ou, s’il l’est, les éléments y afférent ne sont guère visibles.
J’ai indiqué que nous voterions favorablement dix-sept rapports. Cela signifie que sur les vingt-neuf rapports inscrits à l’ordre du jour, notre vote différera de celui de la majorité départementale sur douze rapports : soit nous voterons contre, soit nous nous abstiendrons, soit que les actions proposées dans le cadre de certaines politiques demeurent insuffisantes ou parce que de vrais désaccords de fond nous opposent sur des aspects des politiques qui sont menées.
Ainsi, nous sommes véritablement inquiets s’agissant de la solidarité. Trois rapports nous sont proposés : Soutenir et protéger l’enfant et sa famille, Accompagner les personnes en autonomie, Contribuer à la bonne santé des Sarthois. J’ai eu beau les relire à plusieurs reprises, je relève que des pans entiers de l’action du Conseil départemental en matière de solidarité ont disparu. Je vous invite à comparer le recueil des rapports du précédent BP à celui-ci. Les crédits Politique de la ville comme ceux relatifs au monde associatif, notamment en faveur des personnes les plus vulnérables, ont disparu. Peutêtre cela fait-il écho à la disparition de services, tels que la circonscription d’action sociale dédiée aux gens du voyage et aux personnes sans domicile fixe, mais cela nous inquiète. Ou peut-être cela répond-il à la volonté de faire court.
Cela dit, que des aspects aussi importants de nos politiques puissent disparaître du budget inquiète. J’ose espérer que les crédits Politique de la ville figurent bien quelque part dans le budget mais la politique de solidarité se conçoit dans une globalité. Vous dites que le Département est chef de file en matière de solidarité ; comment peuvent ainsi disparaître des rapports qui sont soumis au vote des élus des pans entiers de la politique départementale en matière de solidarité ?
Nous considérons que ce sujet aurait nécessité d’être inclus au Budget de la Solidarité dans sa globalité. Tel est le sens du premier amendement que nous proposerons.
Le deuxième désaccord de fond porte sur la question de l’insertion. Je ne vous exposerai pas nos arguments dans le détail par crainte de vous lasser. Nous aurons l’occasion de revenir sur plusieurs points au moment de la présentation des rapports. Pour résumer, nous avons un vrai désaccord de fond sur la politique d’insertion, qui nous conduira d’ailleurs à proposer un deuxième amendement.
D’autres désaccords de fond ayant trait à la tarification sociale de la restauration scolaire, au financement des collèges privés et à la transition énergétique nous amèneront à déposer un troisième amendement.
Je siège dans cette assemblée depuis 1998 ; c’est la première fois qu’un groupe minoritaire décide de faire jouer ce droit d’amendement. Nous y procéderons sur votre suggestion, Monsieur le Président. En effet, vous me l’aviez suggéré après votre réélection à la présidence du Conseil départemental. Cela permet aussi de nourrir le débat et, après tout, l’opposition est dans son rôle : il est de reconnaître ce qui va bien – je pense que je l’ai fait avec honnêteté –, d’expliquer ce qui va mal – ce qui ne revient pas à dénigrer l’action du Département et notre territoire –, de pointer les difficultés et de concevoir la façon d’y répondre. Enfin, nous sommes dans notre rôle qui consiste aussi à proposer, ce que nous essayons de faire différemment.
L’année dernière, nous avons envoyé à chaque élu de la majorité ainsi qu’aux membres de l’Assemblée plusieurs propositions. Nous ne dirons pas que notre travail a reçu un accueil très positif, si ce n’est pour reconnaître que nous avancions des propositions et que c’était une bonne chose. Cela n’a pas été très loin. Aujourd’hui, soumettre ces amendements au vote est une façon de trancher des désaccords ou de trouver des points d’accord qui peuvent se révéler importants.
Téléchargez l'ensemble de mes interventions orales au Conseil départemental lors de la session budgétaire de février 2023.