25 Novembre 2016
Jeudi 24 novembre, lors du débat de l'entre-deux-tours de la primaire de la droite, François Fillon a de nouveau remis en cause la manière dont est enseignée l'Histoire à l'école primaire. Partisan d'un "récit national", l'ancien Premier ministre a promis de faire réécrire les programmes par trois académiciens s'il est élu président. Dans une tribune publiée par France info, deux responsables de l'Association des professeurs d'histoire et de géographie lui répondent. Je vais mienne cette tribune et ne résiste pas au plaisir de la partager avec vous.
Étrangement, à chaque campagne électorale, des candidats se penchent avec une dérangeante et inopportune sollicitude sur l'enseignement de l'histoire : programmes, méthodes pédagogiques font l'objet de déclarations à l'emporte-pièce, d'affirmations péremptoires, de références à un passé qui n'est plus d'actualité... d'autant plus malvenues que ces nouveaux procureurs n'ont la plupart du temps jamais lu les programmes.
Un premier rempart face aux prosélytismes
Cette méconnaissance profonde des questions enseignées, cette défiance permanente à l'égard de tous les professeurs d'histoire-géographie, ignorent purement et simplement leur investissement auprès des élèves, le travail quotidien, les projets menés pour faire de nos disciplines une des clefs de la compréhension du monde. Former des citoyens nous oblige à l'objectivité et au développement du sens critique. C'est le premier rempart face aux prosélytismes de tous bords et aux entreprises de destruction d'une nation fondée sur la diversité, les principes qui nous rassemblent et l'adhésion à un projet commun.
La France, ses territoires, ses populations, ses régimes successifs, sont une construction progressive, un emboîtement de processus politiques, sociaux, économiques. Pas une création ex nihilo.
Enseigner son histoire, c'est toujours la relier au contexte général de chaque période, aux grands mouvements qui dépassent le seul cadre français. La France a certes une histoire, mais elle n'est pas un isolat. Nous avons à transmettre des savoirs structurés et clairs, afin de permettre à nos élèves de tous âges de se repérer dans le temps et l'espace, de comprendre les liens entre passé et présent.
Apprendre le passé n'est pas le transformer
L'historien fait œuvre d'honnêteté, de sincérité, d'humilité et de doute. Il réfléchit, archive, explore, recoupe, tâtonne avant d'écrire. L'histoire, comme la géographie, est une discipline scientifique.
On n'enseigne pas l'histoire en déformant les faits, en les présentant comme on aurait voulu qu'ils fussent.
On enseigne une histoire "vraie", c'est-à-dire celle qui s'appuie sur les sources. Pas une histoire qui relèverait de l'invention ou du roman. Si récit il doit y avoir, il ne peut être que celui qui prend en compte tous les acteurs de cette histoire, et tous ses aspects, les moments où la France est du côté du progrès comme ceux où elle vit des heures sombres. Apprendre le passé n'est pas le transformer.
Aucun professeur n'enseigne une histoire honteuse. Doit-on passer sous silence les parts d'ombre de notre histoire ? Aujourd'hui plus que jamais, notre métier réclame de la lucidité. Nous laissons pour notre part la fiction aux romanciers, en demandant que l'histoire demeure de la compétence des historiens.