1 Août 2014
31 juillet 1914, 18 heures à Paris Jean Jaurès est probablement à son bureau dans les locaux du Journal L’Humanité. Il y met la dernière main à son édito du lendemain dans lequel il appelle au sang-froid face au jeu d’engrenages des alliances qui progressivement plonge l’Europe vers l’abime. Dans l’attente d’une dépêche de Londres que doit lui apporter le secrétaire de rédaction, il improvise une conférence de rédaction au Café du Croissant autour d’un diner. Jaurès, dos à la rue, achève de diner, copieusement, dit-on, comme à son habitude. Soudain, une main soulève le brise-bise, on entend deux coups de feu. Jaurès est mort sous les balles d’un nationaliste.
Dès son entrée en politique à l’âge de 25 ans, Jean Jaurès, professeur de philosophie et journaliste, marque profondément la vie politique française. Jaurès est d’abord et avant tout un fervent Républicain qui reprend le flambeau d’Emile Zola pour défendre l’innocence d’Alfred Dreyfus et obtient en 1906 la réhabilitation du Capitaine injustement condamné. Tribun exceptionnel, la Chambre des députés résonne encore de ses interventions passionnées. Il est de tous les combats de la jeune Démocratie née de la défaite du Second empire. Ses thèses sur la laïcité, la République, les luttes ouvrières ou la question coloniale ont nourri la pensée et la vie politique de la IIIème République, éveillé les consciences.
Internationaliste, Jean Jaurès appelle de ses vœux « l’Europe qui libèrera les vaincus des servitudes et des douleurs » et il souhaite contribuer à son avènement. Profondément pacifiste, Jaurès a pour autant compris l’enjeu d’une défense nationale car il est également un patriote. Mais, il ne peut se résoudre à la guerre qui s’annonce et dont il a anticipé les drames et la violence, comme ces mots de 1911 en témoignent : « Et qu’on ne s’imagine pas que la guerre de demain serait une guerre courte, quelques coups devant suffire pour vaincre l’adversaire. Non, dans l’état où se trouvent les forces militaires européennes, il n’est pas un seul peuple qui puisse obtenir facilement la victoire. La guerre de demain serait une guerre de formidables masses humaines ».
Avant tout Républicain, Jaurès se rapproche progressivement du mouvement ouvrier. Mais profondément divisé le socialisme pèse peu dans les choix politiques de la France à l’aube au XXème siècle. Il prend alors une part très importante à l’unification du mouvement ouvrier français et permet la fondation de la Section Française de l’Internationale Socialiste, notre Parti socialiste, lors du Congrès du Globe en avril 1905. Dès lors, le Parti socialiste ne cesse de progresser et dépasse les « cents élus » avec 17% des suffrages aux élections législatives de 1914.
31 juillet 2014, 18 heures au Mans, nous sommes réunis sur l’ancienne avenue de Pontlieue pour honorer la mémoire de Jean Jaurès. Lui rendre hommage est pour nous Socialistes une évidence car un siècle après sa mort, la force de sa pensée, la puissance de son message continuent à inspirer tous ceux qui croient à la capacité des peuples à décider de leur avenir pour construire une société plus juste.
Je terminerai par ses quelques mots de François Hollande, Président de la République, extraits de la préface de Jaurès, une vie pour l’Humanité édité par les Archives nationales et la Fondation Jean Jaurès.
« Jaurès n’accéda jamais au pouvoir, mais il façonna l’Histoire. Il ne fut jamais porté à la tête de l’État. Qui était Président de la République sous Jaurès ? demandait François Mitterrand comme pour dire qu’il est des voix assez fortes pour incarner des aspirations politiques et des espérances sociales. Et qu’un destin peut s’accomplir en s’affranchissant des honneurs, des titres et des fonctions dès lors que les idées sont reprises par d’autres et pour longtemps. »